L’empreinte du rêve : Surréalisme

Le surréalisme dans les arts graphiques et la photographie

1. Introduction – Le rêve dans l’art

Mesdames, Messieurs, bonjour et bienvenue.

Je suis heureux de vous accueillir aujourd’hui pour cette plongée dans un des mouvements artistiques les plus mystérieux, les plus audacieux, les plus libres aussi : le surréalisme.
Ce mouvement est une véritable révolution qui a bouleversé notre manière de voir, de penser et de représenter le monde — en s’éloignant du réel… pour mieux le comprendre à travers le rêve, l’inconscient, l’imaginaire.

Ce que vous allez découvrir dans cette exposition, ce ne sont pas seulement des estampes magnifiques, techniquement maîtrisées, signées de grands Maîtres et les extraordinaires photographies de Thierry Ragogna, ce sont des fragments d’un monde intérieur, des visions venues de l’inconscient, parfois poétiques, parfois troublantes — mais toujours puissantes.

Le surréalisme a profondément marqué le XXème siècle, mais son empreinte est toujours vivante dans la photographie ainsi que dans la peinture sud-américaine contemporaines.

2. Le surréalisme : libérer l’invisible

Le surréalisme naît officiellement en 1924, avec la publication du Manifeste du surréalisme par André Breton, même si dès 1917 Guillaume Apollinaire a utilisé le terme pour décrire son drame « les mamelles de Tirésias » comme « une expérience artistique transcendant le réel »
La Première Guerre mondiale a laissé l’Europe désorientée, dévastée.
En réaction à l’absurdité du monde, un groupe de poètes, artistes, penseurs refuse la logique, le rationnel, les conventions.

Ils font suite de manière très différente au Dadaïsme qui cherchait à dépouiller l’art et la littérature de tout romantisme et lyrisme

Les surréalistes vont puiser ailleurs : dans les rêves, dans le hasard, dans l’inconscient freudien.
Ils veulent créer sans filtre, en laissant venir les images, les mots, les formes — comme on laisse venir un rêve.

Le surréalisme ne cherche donc ni la beauté, ni la vérité objective. Il cherche la « libération totale de l’esprit », l’art étant perçu comme un « cri de l’esprit’

3. Le surréalisme en arts graphiques et en photoographie: un terrain d’expérimentation

Contrairement à ce que l’on pense parfois, le surréalisme ne se limite pas à la peinture ou à la poésie.
Les arts graphiques — dessin, gravure, lithographie —  et la photographie sont au cœur de cette aventure. Pourquoi ?

Parce que ces techniques permettent la spontanéité : le trait libre, l’automatisme, le surgissement d’images étranges.
Parce qu’elles favorisent aussi la multiplication, la diffusion des œuvres — un idéal collectif cher aux surréalistes.

Voici les auteurs des œuvres surréalistes que vous retrouverez dans cette exposition :

Max Ernst : Inventeur de techniques inédites comme le frottage (grattage d’une surface pour faire apparaître des formes). Il crée des mondes absurdes, hybrides, pleins de figures impossibles à la frontière enter poésie visuelle et archéologie mentale.

Joan Miró : Il mêle dessin, poésie, signes, formes flottantes… Ses estampes nous parlent une langue qu’on ne connaît pas encore, mais qu’on ressent profondément.

Salvador Dalí : Maître de l’hyperréalisme délirant et halluciné. Il utilise la précision académique parfaitement maîtrisée pour représenter l’impossible, le fantastique, l’ambigu qui défient la logique.

René Magritte : Avec ses paradoxes visuels, ses images à double sens et ses légendes mystérieuses, il déjoue notre logique. Une pipe, ce n’est pas une pipe. Une pierre flotte dans le ciel. Le réel est un piège à idées.

Man Ray : Photographe et artiste dada‑surréaliste, il révolutionne l’image avec la solarisation et ses « rayographies » (photogrammes sans appareil), où des objets ordinaires deviennent visions mentales. C’était aussi un peintre de talent comme on peut le voir dans cette exposition ..

Entre érotisme, jeu et hasard, ses objets‑poèmes, films, peintures et estampes interrogent le regard et détournent le réel.

André Masson : Figure majeure de l’automatisme, il laisse l’inconscient guider le geste (dessin automatique, sable collé) pour faire surgir formes biomorphiques, violence, désir et mythes.

Sa liberté du tracé ouvre la voie à l’abstraction gestuelle d’après‑guerre.

Thierry Ragogna : Photographe belge contemporain, il explore des atmosphères ambivalentes, des mondes flottants entre le rêve et le réel où la lumière, les couleurs dominantes, les textures deviennent des langages symboliques. L’émotion y surgit d’un déséquilibre maîtrisé, d’un détail troublant, d’une narration visuelle énigmatique.

4. Deux regards parallèles : De Chirico et CoBrA

Giorgio de Chirico
Avant même le surréalisme, dès 1910, De Chirico peint des places vides, statues figées, ombres longues et inquiétantes.
Ce sont des paysages du rêve, des scènes où le temps semble suspendu.

Les surréalistes l’adorent — au début. Mais dès les années 1920, De Chirico revient à un style plus classique.
Il refuse de suivre le groupe, et les surréalistes le rejettent.

Pourtant, on peut dire qu’il est l’un des pères fondateurs du surréalisme, même s’il n’en fait pas partie.

Le mouvement CoBrA
Après la Seconde Guerre mondiale, un autre courant naît : CoBrA (Copenhague – Bruxelles – Amsterdam).

Ici, l’inspiration n’est pas Freud, mais l’enfance, l’instinct, la révolte.
Les artistes CoBrA, comme Pierre Alechinsky, Karel Appel, Dotremont, peignent avec énergie, improvisation, presque sauvagement.

Ils partagent avec les surréalistes le goût de l’automatisme, du refus des normes.
Mais leur approche est plus corporelle, plus immédiate, presque joyeusement chaotique.

Dans cette exposition, vous verrez des estampes d’Alechinsky et de Corneille, regardez bien : l’esprit de liberté y est total. Ce n’est plus un rêve figé, c’est une écriture vivante

5. Conclusion – Voir autrement

En sortant de cette conférence, et en visitant l’exposition, je vous invite à regarder sans chercher à comprendre tout de suite.
Les estampes et photographies surréalistes ne racontent pas des histoires, elles évoquent, suggèrent, troublent.

Elles nous invitent à poser un autre regard sur le monde — plus libre, plus étrange, plus intérieur.

Je terminerai avec cette phrase de Magritte :
« Le surréalisme, c’est la mise en question du monde visible. »

Merci de votre attention, et bonne visite parmi les songes imprimés.